QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ LÀ ?

En septembre 2023, Aymeric est contacté par Emmanuelle BRANDENBURGER de la DRAC Grand Est pour réaliser un « Diagnostic Sensible de Territoire » dans le Saulnois. Il ne comprend pas tellement la définition de ce diagnostic, mais accepte tout de suite puisqu’il a toujours rêvé de porter une blouse blanche au travail et de tirer des conclusions hâtives sur des observations pertinentes. Immédiatement, Gautier reçoit un coup de fil d’Aymeric pour qu’il le rejoigne dans cette aventure. En effet, Aymeric a pour obsession de toujours être accompagné d’êtres brillants ou d’artistes bercés à la connerie : Gautier coche toutes les cases. Gautier ne comprend pas tellement la définition de ce diagnostic, mais accepte puisqu’il a toujours rêvé de porter une blouse blanche au travail et de tirer des conclusions hâtives sur des observations pertinentes.
Les quatre semaines de résidence se sont déroulées de mars à mai 2024 sur le canton d’Albestroff qui compte 26 communes. L’objectif était de rédiger un document pour Sarah DI BELLA, universitaire chargée de la rédaction du diagnostic sensible et de sa restitution, tout en créant un objet artistique justifiant nos salaires exorbitants. Notre document a été rédigé à la manière d’un carnet de bord racontant nos aventures de manière exhaustive. Pour ce faire, notre dispositif était simple : marauder vers le hasard, munis de deux carnets, un stylo (ce qui n’était pas pratique), un appareil photo et deux micros cravate afin de rencontrer des habitants qui ont eu envie de nous raconter quelque chose sur la Culture avec un grand C ». Jusqu’en avril, nous ne savions pas à quoi notre œuvre » allait ressembler. Nous avons récolté de la matière vivante afin de créer une production sur-mesure éloignée du jugement de valeur – se concentrer sur les petites choses et les grandes problématiques d’un territoire unique sans porter de blouses blanches. Très rapidement, après avoir prêter nos oreilles attentives à de nombreux témoignages, nous cernons que le canton d’Albestroff n’est plus celui du XXème siècle dans lequel on dansait tous les week-ends au bal, dans lequel chaque village avait une école ouverte et un club de foot, dans lequel on avait quatre bistrots pour 500 habitants. Aujourd’hui, lorsqu’on ne travaille pas la terre, on va bosser à l’extérieur du canton, on va vers Saint-Avold, Metz ou Nancy et les marmots apprennent dans des regroupements scolaires. Le canton d’Albestroff n’échappe pas au déclin généralisé de la ruralité française. Malgré nos egos disproportionnés, nous ne sommes pas assez prétentieux ni moralisateurs pour avoir un avis. Par contre, nous sommes assez naïfs et enthousiastes pour proposer de « fausses bonnes idées » qui répondent aux problématiques individuelles des habitants à la frontière de la poésie et de l’ânerie.
Nous avons rencontré plus de 50 personnes, joué 5 matchs de foot dans les différents City Stade, parcouru plus de 700 kilomètres, joué le rôle d’un éléphant dans un cirque et bu une quarantaine de rallongés chez Roger à Léning. Le café « Le Villageois » est le dernier du canton. Un bistrot ouvert les matins et les week-ends, dans lequel on peut entendre parler le platt, débattre des performances en dent de scie du FC. Metz et parler de musique avec le doux tenancier : Roger. Hormis notre passion pour le houblon et toutes sortes de spiritueux, nous adorons traîner dans les bars pour écouter des histoires. C’est pour cette raison que nous commencions tous les matins de notre résidence avec deux rallongés chez Roger sauf le mercredi, car en plus d’être le jour des enfants, c’est également son jour de fermeture. Nous sommes attachés à ce dernier lieu de vie du canton qui s’apprête à fermer pour offrir une retraite bien méritée à Roger.

Ft. Gautier Colin
Soutenu par la Drac Grand Est